La Revanche de May est un roman troublant qui dénonce l'obscurantisme et le sort qu'il réserve aux femmes et aux enfants.
La Revanche de May
Auteure : Nassira Belloula
Éditions Pleine Lune, collection PLUME
70 ans de solitudes, de misères, de déceptions...
Algérie, orphelins, orphelines, enfants des rues, femmes, hommes, militaires, religions, guerres, villages, masculinisme
Montréal, le 27 juillet 2011
Ce roman de Nassira Belloula c'est plusieurs décennies d'histoire humaine de son Algérie natale avec des descriptions extraordinaires des gens, des contextes, des notions de l'ordre des choses, des préjugés et traditions qui dictent aux femmes des comportements souvent néfastes et qui du même coup dictent aux hommes des agissements visant à leur sauvegarder et même amplifier l'ordre établi qui leur est si favorable, semble-t-il, s'ils n'étaient pas eux-mêmes pris dans des carcans.
Dans les premiers chapitres, Nassira nous décrit des événements, nous raconte comment ça se passe pour une orpheline dans un village, comment ça se passe pour un orphelin dans les rues d'Alger, comment ça se passe pour un vieillard, un vieux sage qui vend des livres sur les hauteurs de la ville.
Puis, elle nous ramène à l'histoire d'un manuscrit, puis d'un autre manuscrit, et d'une journaliste qui, vivant dans l'Algérie sous la menace religieuse, fonce envers et contre tout et par le fait même inquiète ses proches. Elle est frondeuse et se jette désespérément dans l'histoire de ces manuscrits peut-être pour oublier l'inquiétude qui devrait s'emparer d'elle. Sur son chemin, elle rencontre des gens qui vont l'aider à transformer ces écrits en vrai, à trouver les visages et les noms qu'ils ont perdus en cours de route.
La revanche de May, c'est l'histoire de plusieurs femmes et des hommes qui ont transformé leur vie d'une manière ou d'une autre, qui par sa foi du pouvoir envahissant le village et sachant en tirer parti, à la guerre comme à la guerre non déclarée et comme dans la violence au civil, qui encore se faisant passer pour un sauveur mais qui ne put s'empêcher d'abuser de la situation et de son pouvoir nouvellement acquis et de brève durée.
Dans les derniers chapitres, il s'agit davantage de mettre des mots sur les émotions, sur les ravages, sur la douleur, la rancoeur, sur la survie, la force surhumaine de l'être humain qui y parvient. L'auteure donne aussi des détails sur les comportements cachés, les fausses accusations, les faux semblants, les fausses bontés qui ont bonne presse selon les apparences mais qui, quand on fouille la vérité et qu'on écoute ceux qui les subissent, ne sont pas du tout les anges qu'il cherchent à incarner à la face du monde.
Le faux, le vrai, le masculinisme acharné... différent de celui d'ici. Avec des lois qui favorisent les hommes quoiqu'on puisse se demander la valeur des nôtres, lois ou hommes entre eux.
On pourrait presque croire que l'auteure se raconte un peu elle-même dans ce roman qui fut d'abord publié en Algérie et qui a été réédité au Québec où elle vit depuis un an. Voici une vidéo d'une rencontre avec Nassira Belloula au printemps 2011 à Montréal.
Rencontre en cinq temps avec Nassira Belloula au Jardin botanique de Montréal
(Vidéo Jacqueline Mallette, ServicesMontreal.com)
LA REVANCHE DE MAY - EXTRAITS
« Devant le juge, la pauvre femme n'arriva pas à s'expliquer. Elle gloussait à la moindre remarque, au plus petit détail. Elle ne savait pas se tenir devant un homme. Elle n'avait jamais appris à le faire, ni à parler à d'autres hommes que son mari. [...] Le juge s'impatienta et le mari triompha devant l'attitude pantelante de son épouse. »
(Première partie Le manuscrit, village de Tyfrent, 1994, pp. 102-103)
« Tazi l'aimait, elle le savait, mais que pouvait-il faire face à sa mère ? »
(Prélude, p. 25)
« Et à chaque fois que j'osais lever les yeux, je rencontrais des regards intolérants. Ma féminité n'avait pas de nom, ni de forme. »
(Première partie Le manuscrit, p. 49)
« Il avait omis de me dire que ces gens-là s'étaient armés pour s'imposer, ce qui n'était pas bon pour nous. »
(p. 56)
« Dissimulée dans un coin, j'allais moi aussi pour voir, plutôt qu'écouter, ces nouveaux messies en kamis et pantalons bouffants. »
(p. 55)
La Revanche de May est un roman troublant qui dénonce l'obscurantisme et le sort qu'il réserve aux femmes et aux enfants. C'est ce que l'on peut lire sur la couverture du livre et c'est cela, exactement, dans un contexte algérois où travaillait effectivement l'auteure comme journaliste au moment-même où les gens de ce métier, surtout les femmes, étaient ciblés par le FIS, Front islamique du Salut dont il est aussi question dans ce livre tout autant qu'avant la guerre d'indépendance, à l'époque où l'Algérie était encore colonie française.
Envers et contre tout, tous et toutes, la jeune journaliste ayant en main le manuscrit poursuit son enquête dans des conditions plus que difficiles. Et entre ses épisodes de recherche de noms et des gens, l'auteure nous livre des impressions, des traditions, des habitudes, des comportements par le biais d'une histoire qui aurait très bien pu se passer, vraisemblablement, sur trois générations, depuis les années 1930 jusqu'à l'an 2000.
On ne sort pas vraiment indemne de cette lecture dense et forte dans laquelle on est bousculé maintes fois.
On tourne la dernière page avec davantage de connaissances quant à la maltraitance des femmes dans le monde.
Et au fond, toutes choses étant égales par ailleurs, l'obscurantisme d'Algérie ressemble (les foulards, les maisons blanches et les plages méditerranéennes en moins) à d'autres situations dont nous sommes davantage au fait. Car si nos lois québécoises et canadiennes permettent aux femmes et aux enfants conçus hors-mariage d'hériter et de vivre normalement (sauf exception), les situations devant juge face à une personne plus apte à se défendre ne s'avèrent pas tellement différentes du premier extrait retenu ci-haut. Pensons seulement à la jeune fille de 16 ans qui par désarroi dans la solitude a abandonné son bébé dans un boisé à Ste-Sophie (un lien vers ce fait effroyable en Amérique du Nord et l'article édifiant est fourni en bas de la page). Les Québécois et Canadiens seraient-ils réellement plus britanniques ou anglais dans leurs manières d'être ?
Il faut lire ce livre qui renferme aussi d'innombrables descriptions très pointues des paysages et des gens de ce beau pays auquel d'aucuns de ses ressortissants vivant maintenant à l'étranger pensent avec un pincement au coeur.
UN NOUVEAU ROMAN À PARAÎTRE
Nassira Belloula vient de terminer un tout nouveau roman et elle sera au Salon du Livre de Montréal pour le présenter ainsi que pour rencontrer le grand public, en novembre 2011. Un autre est en écriture, qui se passera ici.
Nassira Belloula : Le féminisme est en lui-même une culture !
Écrivains maghrébins :
Nassira Belloula
LIVRES
Ces femmes qui détruisent ... les femmes. Les ravages du «bitchage» (pp. 79-81 sur les comités)
Bitchage • Guide de survie • 25 conceils indispensables
FEMMOPHOBIE.COM
Histoire d'un infanticide à Ste-Sophie : « Je m'excuse j'ai sali partout »
Filles excisées et femmes grillagées, lapidées, brûlées, bloquées, bitchées...
Femmes à Montréal
Place du 6-décembre-1989 : la tuerie de Polytechnique (The Montreal Massacre)
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8 mars, 8 dessins de Plantu et 8 vidéos les expliquant
8 mars, Tournée infernale des Meufs !
Woman is the Nigger of the World
RIDM 2009 : La domination masculine - Patric Jean, réalisateur belge, se désiste du festival montréalais à la suite de menace des masculinistes intolérants d'ici
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