Nouveau roman québécois

Bestiaire
Auteur : Éric Dupont
Editeur : Marchand de feuilles


Montréal, le 19 septembre 2008


Les six femmes d'Henri VIII
BESTIAIRE est un roman à savourer. C'est l'histoire de deux enfants, une grande soeur et un petit frère, écrite par ce dernier, un roman où la vie dépasse la fiction, où chaque chapitre porte le nom d'un animal québécois dont il sera question dans le chapitre en question. Un petit frère et une grande soeur aux prises avec un père qui change de femme et d'adresse avec une régularité effarante pour des enfants qui doivent chaque fois s'habituer à une nouvelle belle-mère ou non-mère pour remplacer celle qu'ils aiment et voudraient bien voir plus souvent.

BESTIAIRE est aussi drôle que triste que tendre. Il se passe en Gaspésie où est né l'auteur. Il raconte le Québec au temps de René Lévesque et de la naissance du Parti Québécois. Il raconte la vie en région. Il dépeint les gens de la campagne québécoise, la mentalité de province vue par des enfants qui vont à l'école du village, une école où un jour s'amène une famille d'immigrants aux noms bizarres qui ne parlaient pas français mais à qui on a trouvé du travail pour le père dans cette Gaspésie en chômage chronique.

Élevés ces années-là par celle qu'ils surnommaient Anne Boleyn (les autres vont aussi porter le nom de l'une ou l'autre des épouses du roi d'Angleterre qui a fondé la religion anglicane pour pouvoir divorcer librement) et qui était la deuxième épouse de leur père, le petit garçon se souvient : « Quand une institutrice, lasse de nous apprendre l'orthographe, nous proposait, en mai, de confectionner une carte de fête des Mères, je prétendais que la mienne était morte » (page 57).

Le roman se fait aussi :

Poétique : « Grandir sous l'éblouissante lumière du Nord vous condamne à chercher sans cesse, vers des latitudes toujours plus hautes, cette lumière blanche qu annule la laideur du monde » (p. 59).

Critique musicale : « De toute façon, les lamentations d'Harmonium auraient fait barrage à mes prophéties » (p. 67).

Témoin des terreurs enfantines : « La seule idée de me retrouver (...) en compagnie de mon père, d'Anne Boleyn et d'Harmonium, me pétrifiait d'horreur » (p. 73).

De mémoire d'astronome : « Par exemple, quand vous contemplez une étoile (...) Dans le ciel noir de la Gaspésie, la mémoire est plus riche qu'en ville » (p. 80).

Rilogo : « Le Québec a même récemment choisi un insecte emblématique qui, à la surprise générale, n'.est pas le maringouin » (p. 88).

Porte-parole de l'anti-goinfrerie-par-trop-de-générosité en famille : « Il traduisait Je n'ai plus faim, merci par J'en prendrais volontiers encore quatre tranches, avec des patates s'il en reste » (p. 101).

Archi inusité, avec comme papa un roi d'Angleterre péquiste : Henri VIII avait trouvé quelque part une affiche de trois mètres sur quatre. Un immense OUI sur fond bleu. Il l'avait clouée sur la maison. Je crois qu'elle était visible depuis la lune » (p. 155).

C'est comme ça de page en page, avec toutes sortes de regards critiques amusés ou médusés, amusants ou médusants, portés sur toutes les gens et la société, les époques et les vagues québécoises des années 1970, y compris la conscientisation de l'expression française, la religion, les comités d'accueil, la méchanceté des enfants, la discipline, la Gaspésienne, Matane, Saint-Ulric, Amqui, Rivière-du-Loup, Saint-Siméon, le fleuve Saint-Laurent, Jacques Brel, Maria Callas, Elvis Presley, la politique petite et grande ( « Les gens répondent rarement à la question qu'on leur pose. Ils votent pour la blondinette en tutu mauve qui tournoie sur la glace » (p. 139).

Un vrai bon roman québécois très dense où il est aussi question de la Russie, des Juifs, de l'Autriche, du Laos, des paysages, du Seigneur, des Ténardier, du Refus global, de Jeanne Seymour, des provinces anglophones, de la Saint-Jean-Baptiste, du Festival de la crevette...

304 pages.

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